04 Juil
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The Art (prononcez dehors) | 2006 : Se confronter au public 1/4

Parmi les douze projets présentés en 2006 durant les quatre jours de l’événement The Art (prononcez dehors), chaque proposition engageait une rencontre particulière avec le public. Le spectateur a donc croisé non pas une conception de la danse contemporaine mais une pluralité de visions artistiques. C’est d’ailleurs peut-être précisément cette variété de points de vue qui caractérise le prisme (complexe) de la danse contemporaine. L’événement a ainsi permis, on l’espère, d’ouvrir non seulement le regard du spectateur sur la danse, mais de confronter également l’artiste à une multiplicité de regards possibles sur son œuvre. Durant les tables rondes organisées chaque soir, les chorégraphes ont pu réfléchir sur les enjeux et l’impact de leurs propositions.

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Les Radicaux de Julie Châteauvert | interprètes : Élodie Lombardo, Josianne Latreille, Geneviève Smith-Courtois, Séverine Lombardo, Lily Lapierre | Photo de Maurice Pressé

Une confrontation directe avec le public

La plupart des artistes impliqués ont constaté avoir abordé leur projet avec une certaine naïveté, avec l’idée que ce qu’ils offraient au public serait forcément regardé avec attention et reconnaissance. Or, dehors, le public n’est résolument pas le même qu’au théâtre où il a acheté un billet pour voir un spectacle et où il est tenu de respecter un code de conduite sous peine de se faire exclure. En effet, dehors, le public n’est pas venu pour voir de la danse, ce qui modifie en profondeur sa relation avec l’œuvre. Il n’est pas plongé dans l’anonymat d’une salle obscure et si la représentation ne lui plaît pas, il peut se lever et partir sans gêner personne. Ou presque… Car son geste peut toutefois contrarier l’artiste qui remet alors souvent aussitôt son travail en question. Dans ce contexte, la rencontre entre l’artiste et le public, et les conditions mêmes de cette rencontre, sont donc radicalement différentes.

Dominique Bouchard : Le concept de mon projet consistait à rencontrer le public à partir de l’identité du regard et de l’identité du danseur. Or le contexte du parc ajoutait un tel sens que le sens de mon propos s’effaçait, déviait. L’action même de danser dans un parc représente un acte absurde en soi : c’est décalé. Le simple fait de danser, surtout seul, devient confrontant. En groupe, ça fonctionne plus facilement car une distance se crée d’emblée.

Julie Châteauvert : Si certaines personnes étaient amusées par notre présence, d’autres en revanche étaient carrément mécontentes.

Lily Lapierre : Il y a ceux qui ne veulent pas déranger la danse et qui font attention à l’espace. Et il y en a d’autres qui estiment que c’est la danse qui dérange « leur » espace.

Amy Helmstetter : J’ai fait beaucoup de solos sur scène mais je ne me suis jamais sentie aussi seule que dehors. Au début, j’essayais d’expliquer mon projet aux gens. Malgré ça, ils se trouvaient confrontés face à mon solo car ils n’étaient pas venus pour. Alors j’ai fini par ne plus donner d’explication et j’ai dansé mon solo comme d’autres font leur tai-chi, c’est-à-dire pour moi-même et pour ceux qui veulent.

Marie Béland : Dans ma pièce, comme dans mon travail en général, j’ai des moments où on performe et des moments où on parle. D’habitude, en salle, quand les danseurs se mettent à parler, c’est à ce moment-là que la danse devient plus accessible. Or, dans le parc, dès que ça parle, les gens partent. L’effet était inversé car dès que les gens craignent qu’on les embarque dans notre numéro, ils fuient, de peur de devenir le centre d’intérêt.

Sébastien Talbot (un bénévole) : Dans leur réaction, les gens ont souvent reconstitué naturellement l’espace scène/public conventionnel. Ils ont reconstruit l’espace théâtral. Comme un théâtre en plein air.

Synthèse mise en forme par Katya Montaignac, 11/09/2006