En préparation à un atelier de RIDEAU sur les nouvelles réalités de la diffusion artistique aujourd’hui, Frédérick Gravel et Katya Montaignac ont répondu aux questions de Caroline Lavoie à partir de l’expérience de La 2e Porte à Gauche.
LES MULTIPLICITÉS DE LA DIFFUSION : NOUVELLES RÉALITÉS…
Chapitre 3 : Le rôle de l’artiste, du médiateur au commissaire
Caroline Lavoie : Vous travaillez avec des diffuseurs qui vendent, entre autres, des billets, même si vos spectacles sont présentés hors de leur salle. Que vous disent les diffuseurs du public que vous attirez ?
Katya Montaignac : Parmi les gens qui viennent nous voir, il y a un public conquis qui nous suit. Mais, ce n’est pas nécessairement un public de danse contemporaine, il y a aussi du grand public, notamment un public qui était réfractaire à la danse contemporaine et qui, là, découvre « autre chose ». Certains spectateurs nous suivent depuis qu’ils nous ont rencontrés par hasard dans les vitrines de la Maison Simons, rue Ste-Catherine ou dans THE ART (prononcez dehors) au Carré St-Louis. On a un public qui nous suit d’événement en événement. On attire un public très varié, de tous âges. Je ne peux pas dire qu’il ne s’agit que de jeunes trentenaires, car il y a aussi des gens de 40-50-60 ans. On se retrouve avec toutes sortes de monde… De tous âges… Du grand public.
Frédérick Gravel : Il y a aussi des gens qui fréquentent davantage la danse et qui font partie du public de la danse. Ceux-là vont voir les enjeux, la recherche formelle… Ça peut donc rejoindre les deux publics.
C.L. : Peux-tu nous parler des spectacles que vous avez donnés en dehors des grands centres?
Katya Montaignac : Jusqu’à présent, tout a été présenté à Montréal, sauf Le pARTy, qu’on a fait à Québec avec le Cercle en 2014 et le Bal Moderne qui a été présenté en région (Gaspé, Rimouski, Sherbrooke, Ottawa, Québec…) dans différents événements et festivals, notamment au Festival country de St-Tite !
Bien qu’on ait présenté 4quART à Paris, nos productions sont trop lourdes pour la tournée : ça demanderait de déplacer beaucoup de monde. Par exemple : Danse à 10 compte 11 danseurs (dont la machine de Chaleur Humaine), THE ART (prononcez dehors) réunit 12 chorégraphes et une trentaine de danseurs et Le pARTy a déjà rassemblé 75 danseurs juste pour une soirée ! On a organisé le pARTy à Québec avec le Cercle en décembre 2014 en collaboration avec des artistes locaux. Nous ne sommes pas une compagnie qui se destine à la tournée. Nous sommes avant tout un laboratoire. Cependant, il arrive souvent que certains chorégraphes, après avoir créé leur œuvre à La 2e Porte, décident de tourner leur pièce. Nous jouons un rôle local d’émulateur.
Pour Rendez-vous à l’hôtel, les Hôtels Germain, nous offrent de reprendre le spectacle dans les hôtels qu’ils ont à travers le pays, mais là, les diffuseurs reculent… Bien qu’ils économisent le coût de salle, il faut, en contre partie, arrimer notre calendrier à l’achalandage de l’hôtel…
C.L. : Pour vous la médiation artistique est importante ?
Katya Montaignac : On organise des rencontres quasiment après tous nos spectacles. Par exemple, en appartement, l’événement était systématiquement suivi d’une discussion. Avec THE ART (prononcez dehors) à l’Esplanade de la Place des arts, l’événement était systématiquement ponctué par une table ronde, chaque jour à 18h ouverte au public. Avec Rendez-vous à l’hôtel, les gens sont divisés en 4 groupes et il y avait un guide et posait des questions aux spectateurs et il y avait une chambre où les spectateurs étaient invités à écrire leurs commentaires… La discussion avec le public fait partie de chaque projet. Notre moteur, c’est la relation avec le public. (cf. Le fantasme de la participation du public in JEU #147, 2013)
C.L. : Voyez-vous votre rôle comme celui d’un commissaire en danse ?
Katya Montaignac : On joue inévitablement un rôle de commissaire, puisqu’on choisit plusieurs chorégraphes au sein d’un projet artistique. Pour le diffuseur c’est une belle façon de découvrir le travail de nouveaux chorégraphes qu’ils pourraient par la suite décider de programmer. Quant au public, c’est une soirée où il découvre différentes couleurs et styles chorégraphiques. Le public, comme le diffuseur, découvre une variété de chorégraphes émergents et de langages chorégraphiques.
C.L. : Comment rêver l’avenir de la diffusion ?
Katya Montaignac : Un lieu de diffusion est avant tout un espace de création. Le diffuseur gagnerait à faire de l’artiste un partenaire de développement en pensant au-delà du « spectacle », à travers des ateliers par exemple. S’associer à un artiste sur 2 ou 3 ans, ou ne serait-ce qu’avoir un artiste « à l’honneur » chaque année, permettrait de l’impliquer à différents niveaux : en animant des rencontres avec le public, en offrant une carte blanche, à travers des projets de médiation dans la communauté, voire même jouer un rôle de commissaire auprès du diffuseur. Plutôt que de considérer le lieu de diffusion comme un paquet de troubles, le voir avant tout comme un vecteur de création permet de déplacer ses contraintes en véritables paramètres de jeu.
Lire aussi : Chapitre 1 : Le diffuseur comme complice artistique…
et Chapitre 2 : Impliquer le public…