On peut s’interroger sur les objectifs et enjeux de l’événement The Art (prononcez dehors): cherche-t-on à convertir le grand public à la danse contemporaine ? Cherche-t-on à « séduire » le badaud afin de lui donner le goût d’aller au théâtre ? Ce public ne va pas forcément au théâtre parce qu’il n’en aurait pas les moyens, mais tout simplement parce qu’il ne se sent pas concerné par un spectacle de danse. En revanche, il peut dépenser aisément 15$ pour aller au cinéma, dans un bar ou encore 25$ pour un concert ou un spectacle d’humour…
Frédérick Gravel : Ce n’est pas la même chose de faire un show dehors ou devant des gens qui sont venus au théâtre pour ça. Dans ce cas, ils sont « captifs ». Alors que dehors, ils ne sont pas venus au parc pour voir de la danse.
Marie Béland : Dehors, le public ne ment pas : quand c’est plate, il s’en va ! Pour mon projet, j’ai remarqué que c’était toujours au même moment ! On peut se demander jusqu’à quel point une entreprise de séduction comme la notre doit répondre à la formule du tout-inclus afin de satisfaire le confort du spectateur. Ma pièce a été conçue dehors. On avait envie de séduire, mais jusqu’à quel point ? On a envie que la danse soit moins hermétique, certes. Mais est-on capable d’aller tasser les affaires qui ne marchent pas ? À force de modifier la pièce en fonction des réactions du public, est-ce que je ne passe pas à côté des choses que je voulais faire ?
Frédérick Gravel : Est-ce qu’une bonne œuvre de danse n’est pas nécessairement séduisante ?
Marie Béland : Peut-on faire une bonne œuvre sans forcément séduire ?
Johanna Bienaise : On veut rendre la danse plus accessible mais pourtant quand c’est plate, le public peut partir. Comment le sensibiliser à des choses plates ?
Séverine Lombardo : Le fait de ne rien faire fait parfois partir les gens. Or, le projet de Julie comporte des moments d’immobilité. Je me suis posé beaucoup de questions à ce sujet. Pourquoi ai-je envie que les gens s’arrêtent ? Pourquoi est-ce que je veux absolument capter leur attention ? Ces interrogations se posent davantage au niveau de l’interprète que du chorégraphe. Julie, elle, adorait que les gens ne s’arrêtent pas !
Élodie Lombardo : On a l’habitude d’être tributaire du regard du public. En salle comme en théâtre de rue, le temps mort signifie que tu perds de l’argent.
Irène Galesso : Pour rendre accessible la danse, rien de tel que de retourner dans la rue, comme des troubadours. L’événement The Art (prononcez dehors) m’a fait penser aux HOPs réalisés l’an dernier lors du Congrès de recherche en danse organisé par le CORD (novembre 2005). Nous avions dansé dehors sous la neige. Sans provoquer, la danse attire. L’expérience est d’autant plus stimulante pour les spectateurs que pour les danseurs.
Stéphanie Bernard : Avec mon projet, j’ai opté pour l’idée d’un compromis en m’inspirant des gens qui sont dehors dans un parc. J’avais le goût de faire une pièce positive et agréable. Or, après avoir vu ma pièce, les gens ne me parlaient pas de l’œuvre mais de danse. Je n’ai rien fait de profond mais ça a ouvert une porte et on a parlé de « la » danse.
Synthèse mise en forme par Katya Montaignac, 11/09/2006