La 2e Porte à Gauche est très fière d’exposer le travail de Claudia Chan Tak dans le cadre du FTA à la Place des Arts. HYDRA est un projet satellite de Pluton. Après avoir documenté en 2014 le processus de collaboration de Rendez-vous à l’hôtel, Claudia assiste, munie de sa caméra, au processus de création de Pluton depuis janvier 2015. Ses photos et captations vidéos témoignent des rencontres artistiques du projet. En outre, l’exposition Hydra s’enrichit de croquis et d’artefacts confectionnés et rassemblés par l’artiste.
Claudia a commencé à s’intéresser aux projets de La 2e Porte à Gauche durant son Bac en danse. En écho à Hydra, nous exhumons de nos archives cet extrait inédit d’un travail rédigé en avril 2011 avec Liane Thériault pour le cours de Danse et société donné par Geneviève Dussault au département de danse de l’UQAM et dont le sujet portait sur la « danse in situ à Montréal »…
Les enjeux artistiques de la danse in situ
Par son format particulier, la danse in situ présente de nouvelles adaptations, mais surtout de nouveaux défis artistiques. (…) Pour Katya Montaignac, faire du in situ c’est se débarrasser des codes de la scène, surtout pour les chorégraphes qui participent aux événements de La 2e Porte à Gauche : « On a noté les paradoxes, les retours inconscients de narcissisme non questionné qu’on véhicule avec nous dans notre formation de danse et de spectateur. C’est inconscient et intuitif. Sans s’en rendre compte, on les voit réapparaître même dans des contextes différents ». Le manque d’expérience fait que leurs attentes sont biaisées par leur vécu propre à l’univers scénique et que leurs choix artistiques ne sont pas nécessairement appropriés à l’intention première de leur œuvre in situ. En résumé, « ce n’est pas tout de danser dans la rue, [il faut y aller] sans utopie du public ».
[…] Hors des murs des théâtres, le danseur devient plus vulnérable. Il ne dispose plus de la distance qui le sépare du spectateur et devient ainsi exposé à davantage de risques et d’imprévus. Cependant, comme le dit Gabrielle Surprenant Lacasse, cette vulnérabilité le rend plus humain, plus accessible aux yeux du public. En tant que spectatrice, la proximité avec les interprètes me surprend et me fascine toujours : leurs réactions, leur présence, leur concentration ainsi que leur capacité à gérer cette contiguïté. Je pense à 9½ à part., de La 2e Porte à Gauche où danseurs et spectateurs se mêlaient et où les réactions du public s’avéraient aussi intéressantes que celles des interprètes. Le spectateur devient parfois aussi vulnérable à cause de sa proximité avec les interprètes. Dans 9½ à part., on ne se sentait pas toujours à notre place, et le fait que n’importe qui pouvait devenir un point de regard pour d’autres observateurs pouvait perturber. Dans les projets semblables, les danseurs et les spectateurs se trouvent sur un pied d’égalité venant ainsi démocratiser l’art chorégraphique. (Liane Thériault)
[…] La possibilité de choisir son rôle de spectateur démocratise la danse, mais en plus, cela transforme sa perception de l’artiste, qu’il perçoit soudainement comme son égal, sans prétention et sans hiérarchie. Gabrielle Suprenant Lacasse allait dans ce sens en disant :
« Parce qu’on n’est pas des surhumains. On est des gens qui ont choisi de danser. C’est clair que sur scène on peut être magnifié. C’est normal de voir des corps et de rêver. Le in situ rend plus accessible : tu vois la sueur, l’effort. Tu vois qu’ils rushent avec le sol. Tu vois qu’ils travaillent, qu’ils shakent qu’ils sont essoufflés. Ça humanise la chose. Le mur n’est pas là, la scène non plus. C’est plus confrontant pour le spectateur, il n’y a pas la distance, il est plus engagé physiquement. La première fois que j’ai vu une danse de proche, c’est la main qui shake qui m’a touchée. »
[…] Toutefois, ceci reste une utopie, parce qu’on ne peut pas affirmer qu’une œuvre est plus accessible seulement parce qu’elle est présentée dehors. En fait, la qualité artistique joue pour beaucoup. Il faut faire des choix réfléchis pour ne pas effrayer un public qui ne connaît pas nécessairement l’univers de la danse contemporaine. Il faut se rappeler que le public est dans une situation qui peut lui sembler délicate et intimidante. Selon l’expérience de Samuel Gaudreau-Lalonde lors de l’événement 7½ à part. de La 2e Porte à Gauche, en tant que spectateur, « on ressent un inconfort du fait de ne pas comprendre tout ce qui arrive, de ne pouvoir dresser des frontières claires. On se met à douter des autres puisque l’on ne sait pas trop s’ils sont performeurs. Alors on fait attention de ne pas trop se commettre. » Cette ambigüité fait qu’il y a un énorme risque d’effrayer le spectateur et de l’éloigner à jamais du monde de la danse. Un des artistes de La 2e Porte à Gauche cité par Philip Szporer disait d’ailleurs : « Sometimes you make the right choice and everyone feels welcome and sometimes you don’t and everyone is a little alienated. » (Szporer, 2009)
Extraits inédits d’un travail rédigé par Claudia Chan Tak et Liane Thériault en avril 2011 (cours de Danse et société donné par Geneviève Dussault au Bac en danse de l’UQAM).