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The Art (prononcez dehors)

Treize chorégraphes et près d’une cinquantaine d’artistes invités à prendre d’assaut l’espace urbain afin que la danse puisse s’implanter plus solidement dans la ville. 

Amener ces créateurs à concevoir des présentations sur mesure.

Forcer la rencontre entre les créateurs et un public non convié. 

Douze projets de danse présentés quatre jours durant dans le Carré Saint-Louis et sur le tronçon piétonnier de la rue Prince-Arthur.

Il ne s’agit pas seulement de pousser la danse dehors, mais bien de proposer une nouvelle façon de voir et de faire la danse contemporaine, à l’extérieur des murs des institutions en même temps que devant un public qui ne s’attend sans doute pas à la rencontrer.

La danse vous attend dehors !

Pour The Art (prononcez dehors) les artistes ont été invités à un véritable marathon de rencontres avec le public. Chaque équipe de participants se voit assigner un circuit qu’il empruntera tout au long de la journée afin de rencontrer un maximum de spectateurs différents. Leur œuvre sera présentée pas moins de 12 fois par jour. Une fois chaque performance terminée, les artistes seront invités à discuter avec les passants intéressés. À la fin de chaque journée se tiendra une table ronde ouverte au public, afin que les artistes puissent revenir sur l’impact du projet au niveau des rencontres qu’il a suscité ainsi que sur ce que le projet a apporté à la démarche artistique de chacun des participants.

Les chorégraphes invités : Marie Béland, Stéphanie Bernard, Dominique Bouchard, Julie Châteauvert, Frédérick Gravel, Sacha Kleinplatz , Lily Lapierre, Katya Montaignac, Anne Thériault et Georges-Nicolas Tremblay.

Du 1er au 4 septembre 2006 entre midi et 18h au Carré St-Louis et sur le tronçon piétonnier de la rue Prince-Arthur, à Montréal.

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En vidéo

Du 1er au 4 septembre 2006 dans le Carré St-Louis et sur le tronçon piétonnier de la rue Prince-Arthur entre midi et 18 heures, treize chorégraphes ont pris d’assaut l’espace urbain afin que la danse puisse s’implanter plus solidement dans la ville. Le projet impliquait près d’une cinquantaine d’artistes.

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En photos

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Équipe artistique

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Marie Béland, chorégraphe

Espace Vert

C’est l’histoire de deux danseurs, d’un musicien et d’une couleur.

C’est surtout l’histoire d’une couleur.

Interprètes : Vincent Morelle, Marilyne St-Sauveur
Musicien : François Girouard

 

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Stéphanie Bernard, chorégraphe

Deux, dans un parc

Interprètes : Stéphanie Bernard et Jonathan Barbe

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Dominique Bouchard, chorégraphe

Angélique Morin

« Dites-moi ce que vous voyez, et je vous raconterai mon histoire ». 

Interprètes : Andréa Dugas-Hawkes, Émilie Morin, Angélique Poulin, Aude Rioland et Sandy Bessette

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Julie Châteauvert, chorégraphe

Les Radicaux 1

« Pour Les Radicaux, j’ai travaillé à partir des expressions du visages qui, en LSQ (Langue des Signes Québécoise), ont une fonction lexicale. Je vous offre cette pièce pour piquer votre curiosité… Cette langue, chérie par la communauté sourde, a beaucoup à nous apprendre, sur le corps, sur le mouvement, sur le langage,: des questions anodines quoi!!! »

Interprètes : Marisa Gonzalez-Voyer, Séverine et Élodie Lombardo, Isabelle Billard, Geneviève Smith-Courtois, Jean-François Dupuis, Eve-Lyne Clusiault, Isabelle Lavigne, Josiane Latreille, Louis Pelchat

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Andréa Dugas-Hawkes, chorégraphe et interprète

Des os et des oiseaux

Des os et des oiseaux est la treizième chorégraphie d’Andréa depuis son parcours de chorégraphe en 1999. Même si sa formation s’est élaborée autour du métier d’interprète, elle a toujours gardé, développé et cultivé son intérêt pour la création et l’élaboration de matériel chorégraphique. Les notions d’espace et de temps sont des éléments particulièrement curieux et foisonnant de possibilités et c’est précisément la recherche de ces éléments qui a nourri le travail de sa dernière création Des os et des oiseaux. Cette pièce est élaborée sur la controverse du sentiment de liberté.

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Frédérick Gravel, chorégraphe

GravelWorks 1.0

« On ne sait pas vraiment ce qui va se passer et c’est là l’intérêt ».

Interprètes possibles : Francis Ducharme, Lucie Vigneault, Frédérick Gravel, Hugo Gravel, Karina Champoux et sans doute des invités surprises…

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Amy Helmstetter, chorégraphe et interprète

A Park solo

Avec « A Park solo », Amy présente deux courtes pièces basées sur des classiques du blues. Alors que la première est lente et sombre, la deuxième est rapide et pleine d’entrain. Elles représentent deux états (la patience et l’anticipation) d’une femme forte mais seule.

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Sasha Kleinplatz et Andrew Tay, chorégraphes

Kiss

« My passion lies in expressions of fearlessness, freedom, and joy. I believe in the transformative potential of work that holds delight in as high regard as intensity I explore these ideas through the physicality of childhood play. The dancers run, jump, trip, fall, get up again, all with a sense of complete abandonment. They play sly games together that leave them breathless, and keep both themselves and the viewer on their toes. Rhythm acts as a central tool in my choreographic process. The complexity of seemingly simple movements become through sudden slips and changes in time. I seek to establish a choreographic world in which we can all dance as though no one is watching-the way we all did as children (and still do in secret). To throw caution to the wind and embrace a moment for all it’s clumsy beauty is a thrilling rebellion – both for the dancers to embody and the audience to witness ». -Sacha-

« Je crois que la répétition génère l’émotion. Qu’en enchaînant stratégiquement une série de clicks et de micro mouvements précis, on peut arriver à transcender la matérialité du corps en quelque chose de plus. Les mouvements minuscules peuvent être répétés à l’infini, poussant le danseur à la limite d’un état physique très intense. Dans cet état, le danseur peut parvenir à transmettre une émotion profonde dans le geste le plus discret, mettant en lumière des sentiments longtemps enfouis dans la mémoire musculaire. Ce sont mes souvenirs d’enfance et mes nuits passées à danser dans des soirées warehouse qui continuent d’avoir une influence déterminante sur mon travail. La culture des clubs de nuit, sa musique, son esprit et son attitude m’inspire continuellement à créer des pièces qui vont au-delà de la gestuelle convenue de la danse de studio. Pour moi, regarder des gens danser sur la piste d’un club, complètement absorbés par le moment présent est toujours beaucoup plus intéressant que d’observer un danseur de métier présentant une chorégraphie bien ficelée. Ce que je tente continuellement d’atteindre et de transmettre dans mon travail, c’est précisément cette qualité spontanée, passionnée. Je souhaite amener mon auditoire vers un lieu émotionnellement désinhibé. C’est en ce lieu précis qu’il est possible de découvrir des gestes, images et sensations réellement authentiques ». -Andrew-

Interprètes : Livia Pellerin et Amanda Wurts

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Lily Lapierre, chorégraphe

Pas Liés

Pièce dramatico-ringarde sous l’aspect d’un triple duel western de danse contact-improvisation structurée. Pas Liés possède un point de départ et un point d’arrivé et une multitude de mouvements déterminés mais chaque parcours est unique. Attention à vous sur l’aire de jeux car il faut parfois être compétitif, parfois aidant et d’autres fois tous uni contre l’obstacle ou la foule pour arriver à destination!

Interprètes : Lily Lapierre, Marjolayne Auger, Katia Grubisic, Karine Cloutier, Pamela Poulin, Karine Rathle, François Alexandre Gagné

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Katya Montaignac, proposition chorégraphique

Raymond, un solo pour interprètes

Inspiré des Exercices de style de Raymond Queneau, ce projet conçu à Paris en 2001 réunit une série d’individus qui interprète un même solo. Qu’ils soient danseur professionnel, à la retraite ou amateur, artiste de cirque, graphiste, ostéopathe ou encore historien, tous enchaînent les mêmes mouvements. Chacun à sa façon… Depuis sa création, ce projet a été interprété par près d’une cinquantaine de personnes de 6 à 60 ans et s’adapte à diverses configurations : scènes de théâtre classique, jardin d’enfant, usines désaffectées et squares.

Interprètes : Mathieu Bédard, Johanna Bienaise, Sébastien Brodeur-Girard, Nathalie Dumont, Irène Galesso, Séverine Lombardo, Antonia Mappin-Kasirer, Mathilde Vallière

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Anne Thériault, chorégraphe

Annexe 1

Mettant en vedette Claudine Hébert, Anne Thériault ainsi qu’un claviériste anonyme. Alors que la chorégraphe travaille sur sa nouvelle création Valeur ajoutée, elle ouvre sa 5è dimension : The Art. Une première annexe où deux femmes se servent des témoins à proximité comme prémisse pour plonger dans le dit moment. Une 5è dimension à voir et à revoir ! Anne Thériault meets Claudine Hébert and the public !

Interprètes : Anne Thériault et Claudine Hébert

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Georges-Nicolas Tremblay, chorégraphe et interprète

Résilience – étape 1.2

Changeons-nous vraiment ou apprenons-nous plutôt à mieux vivre avec ce que nous sommes ? Georges-Nicolas Tremblay nous présente la première étape d’une œuvre en chantier, un solo inspiré par la lutte intérieure qui nous habite tous et par le combat perpétuel afin d’accepter vraiment nos travers, nos peines et nos drames pour « passer au travers », pour « fuir l’emprise ». Rencontrez un personnage prêt à cesser de grandir, à prendre le temps de devenir et repousser ses limites.

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Revue de presse

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Réflexions et textes sur la danse par La 2e Porte à Gauche,

Le blogue de La 2e Porte à Gauche

 

2006_The-Art-prononcez-dehors_quartier-libre_marie-eve-corbeil

Vers de nouveaux espaces,

Quartier libre,

Marie-Ève Corbeil, 2006

2006_The-Art-prononcez-dehors_voir_fabienne-cabado_24-08-2006

Opération bancs publics,

Voir,

Fabienne Cabado, 24 août 2006

2006_The-Art-prononcez-dehors_ici_francois-dufort_31-08-2006

Contacts,

Ici,

François Dufort, 31 août 2006

2006_The-Art-prononcez-dehors_hour_philip-szporer_31-08-2006

De l’art dehors,

Dynamic production company sets the stage in Carré Saint-Louis this weekend,

Hour,

Philip Szporer, 31 août 2006

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L’union fait la force,

Le Devoir,

Frédérique Doyon, 2 septembre 2006

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Sous différents cieux, quelques éclaircies,

De l’art qui se mouille. Danse de rue,

revue Jeu # 122,

Ariane Fontaine, janvier 2007

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Médias

The Art, annonce de l’événement sur CKUT-fm, le 28 août 2006.

The Art, entrevue avec Marie Béland et Frédérick Gravel à Radio Centre-Ville sur la bande fm.

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Archives de production

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The Art (prononcez dehors),

affichette de l’évènement,

2006

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The Art (prononcez dehors),

programme,

2006

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The Art (prononcez dehors),

plan,

2006

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carte du Carré Saint-Louis, Montréal,

2006

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The Art (prononcez dehors),

guide des participants,

2006

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The Art (prononcez dehors),

communiqué,

2006

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The Art (prononcez dehors),

invitation à l’évènement,

lancement officiel, 2006

2006_The-Art-prononcez-dehors_dossier-the-art-ville-mtl

The Art (prononcez dehors),

dossier à la Ville de Montréal,

demande d’acceptation du projet, 2006

2006_The-Art-prononcez-dehors_appel_de_dossiers_2005

The Art (prononcez dehors),

appel de dossiers,

2006

2006_The-Art-prononcez-dehors_CR_reunion_09-08-2006

The Art (prononcez dehors),

compte-rendu de la réunion du 9 août 2006

2006_The-Art-prononcez-dehors_remerciements-partenaires

The Art (prononcez dehors),

remerciements partenaires,

2006

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Nos réflexions

The Art (prononcez dehors) | 2006 : Se confronter au public 1/4

The Art | Nourrir ou détruire le mythe de la danse contemporaine ? 2/4

The Art | Rendre la danse accessible (et donc séduisante ?) 3/4

The Art | Les enjeux de la danse « in situ »… 4/4

The Art (prononcez dehors) : les tables rondes

Vendredi 1er septembre : À propos de la clarté des propositions

Dominique Bouchard : Le concept de mon projet consistait à rencontrer le public à partir de l’identité du regard et de l’identité du danseur. Or le contexte du parc ajoutait un tel sens que le sens de mon propos s’effaçait, déviait. L’exercice était intéressant : les gens parlaient de la photo qu’ils avaient prise. Mais au niveau du sens, ça a dérapé. L’action même de danser dans un parc représente un acte absurde en soi : c’est décalé. Dans le regard du spectateur, ça fait « weer ». Le simple fait de danser, surtout seul, devient confrontant. En groupe, ça fonctionne plus facilement car une distance se crée d’emblée. Je n’avais pas envie de choquer le public. Malgré tout, c’était parfois confrontant pour eux.

Lily Lapierre : Même lorsque l’espace est clairement défini, le public est dérangé. Il y a ceux qui ne veulent pas déranger la danse et qui font attention à l’espace. Et il y en a d’autres qui estiment que c’est la danse qui dérange « leur » espace.

Stéphanie Bernard : Certains spectateurs définissent clairement un espace scénique tandis que d’autres passent dedans sans se rendre compte de rien. J’ai été frappée à différents degrés par l’écoute des gens. Certains sont ouverts et ont une vue d’ensemble, d’autres restent dans leur bulle.

Dominique : Certains espaces se sont avérés plus difficiles que d’autres, notamment autour de la fontaine. C’est moins évident pour l’improvisation.

Amy Helmstetter: Pour moi, c’est la rue St-Laurent qui fut difficile, surtout à l’heure des camions de livraison. Au début, j’essayais d’expliquer mon projet aux gens. Malgré ça, ils se trouvaient confrontés face à mon solo car ils n’étaient pas venus pour ça. Alors j’ai fini par ne plus donner d’explication. J’ai fait beaucoup de solos sur scène mais je ne me suis jamais sentie aussi seule que dehors. Ensuite, je me suis dit qu’il pouvait être dansé pour les gens qui veulent. Alors j’ai fait mon solo comme d’autres font leur tai-chi, c’est-à-dire pour moi-même et pour ceux qui veulent.

Marie Béland : Dans ma pièce, j’ai des moments où on performe et des moments où on parle. Or, là, dans le parc, dès que ça parle, les gens partent. Alors qu’en salle, quand les danseurs se mettent à parler, c’est à ce moment-là que la danse devient plus accessible. Dehors, l’effet était inversé car dès que les gens pensent que tu vas les embarquer dans ton numéro, ils fuient, de peur de devenir le centre d’intérêt.

Marie-Josée (une bénévole) : Par rapport au fait de confronter les gens, j’ai remarqué une dame assise pendant que vous échangiez des mouvements. Outre le fait que la danse elle-même était éclatée, la proximité du danseur, l’essoufflement et le tremblement même du banc vont chercher les limites de la personne. Ça a troublé son habitude.

Frédérick Gravel : Quand Vincent parle, ce n’est pourtant pas agressif. Ils s’adressent aux gens comme un clown. Et pourtant les gens ont peur.

Marie-Josée : Les gens se demandent ce que font les danseurs : « elle est folle ? »

Stéphanie : Sur la rue Prince-Arthur, les gens ont l’habitude de voir des quêteux ou des musiciens qui passent le chapeau. De peur qu’on fasse nous aussi tourner le chapeau, ils partaient souvent tous juste avant la fin de la représentation.

Marie : On peut se demander jusqu’à quel point une entreprise de séduction comme la notre doit répondre à la formule du tout-inclus afin de satisfaire le confort du spectateur. Ma pièce a été conçue dehors. On avait envie de séduire, mais jusqu’à quel point ? On a envie que la danse soit moins hermétique, certes. Mais est-on capable d’aller tasser les affaires qui ne marchent pas ? À force de modifier la pièce en fonction des réactions du public, est-ce que je ne passe pas à côté des choses que je voulais faire ?

Frédérick : Est-ce qu’une bonne œuvre de danse n’est pas nécessairement séduisante ?

Marie : Peut-on faire une bonne œuvre sans forcément séduire ?

Frédérick : Le défi en tant que chorégraphe était de se positionner. Est-ce qu’on veut séduire, provoquer ou laisser les gens indifférents ? Proposer quelque chose de lisible, ça nous aide. Sinon, comment faire comprendre quelque chose à quelqu’un ? Comment communiquer avec lui ? Les propositions claires fonctionnent à ce titre. Peut-on être plus clair en tant que chorégraphe ? Ou faut-il se dire que anyway ça va être pris différemment en fonction des gens ?

Dominique : On prend parfois les gens pour des cons. Ils disent des choses évidentes, super intéressantes, dans leurs mots à eux. Même quand je pensais ça raté, le public me faisait découvrir quelque chose que je n’avais pas remarqué. On peut faire un peu plus confiance aux gens. Leurs feed back sont très positifs et très intéressants.

Marie : Dans les choix que tu fais dans l’espace, dans le visuel, dans l’esthétique, dans la forme que tu installes, les gens focalisent mieux lorsque les choses sont placées. On gagne à être clair.

Sébastien Talbot (un bénévole) : Dans leur réaction, les gens ont souvent repris naturellement l’espace scène/public conventionnel. Ils ont reconstruit l’espace théâtral. Comme un théâtre en plein air.

Frédérick : La clarté n’est pas un dogme, ni une fonction. Katya et Marie ont proposé deux réponses différentes à la clarté. Pour Marie, tout est vert. Ce n’est pas ça qui fait le show mais c’est clair. Pour Katya, c’est voulu que ce ne soit pas clair : que les interprètes ne soient pas identifiés en tant que tels, qu’ils se confondent parmi les promeneurs du parc ou les passants de la rue.

Lily : On a eu un problème de musique, d’où la difficulté à créer un espace. C’est moins clair sans la présence du musicien.

Frédérick : Le projet de Dominique se déroule sans musique : son espace se crée au niveau du regard. Elle ne cherche pas l’attroupement : c’est le spectateur qui fait la job.

Dominique : Suivant que l’on danse contre un arbre ou contre un mur, l’architecture est complètement différente. Pour le public, il s’agissait alors de regarder la danse comme une affiche ou un film.

Frédérick : Ce n’est pas la même chose de faire un show dehors ou devant des gens qui sont venus au théâtre pour ça. Dans ce cas, ils sont « captifs ». Alors que dehors, ils ne sont pas venus pour te voir.

Marie : D’ailleurs, dehors, le public ne ment pas : quand c’est plate, il s’en va. Pour mon projet, j’ai remarqué que c’était toujours au même moment !

Johanna Bienaise : On veut rendre la danse plus accessible mais pourtant quand c’est plate, le public peut partir. Comment le sensibiliser à des choses plates ?

Marie : L’espace dehors désacralise l’œuvre. Il y a tellement d’impondérables qu’on lâche prise en tant que chorégraphe. L’approche est différente, plus libre. La valeur de l’œuvre se modifie. Ça change mon lien avec mon travail.

Stéphanie : Pour mon projet, j’ai choisi l’idée du compromis en m’inspirant des gens qui sont dehors dans un parc. J’avais le goût de faire une pièce positive, agréable. Or, après avoir vu ma pièce, les gens ne me parlaient pas de l’œuvre mais de danse. Je n’ai rien fait de profond mais ça a ouvert une porte et on a parlé de « la » danse.

Frédérick : Il s’agit de faire un compromis avec l’idée que tu ne fais pas une œuvre pour un public assis.

Dominique : Les effets étaient différents suivant le moment de la journée. Une distance à midi, une disponibilité en après-midi, une rechute en fin de journée.

Émalie (une bénévole) : Les propositions auraient gagné en clarté si l’événement avait été plus repérable. J’aurais vu plus d’affiches, plus d’informations sur l’événement. Ça aurait permis aux spectateurs d’avoir un autre regard, moins méfiant. Ils ne savaient pas vraiment ce qu’il se passait.

Marie : La question de savoir à quel point prévenir ou non les gens est importante.

Frédérick : La 2e Porte à Gauche n’a pas pour but de développer le public mais d’inviter les artistes à (re)penser leur rapport au public.

Samedi 2 septembre : Quelles étaient les attentes de chacun ?

Frédérick Gravel : Quelles étaient vos attentes face à ce projet ? Est-ce que le public, l’événement, l’expérience ont répondu à vos attentes.

Vincent Morelle : Je m’attendais à ce que le public embarque plus. J’étais surpris par sa timidité. Je m’attendais à plus de curiosité, de dialogue et de sourire. Or, les gens avaient peur, ils détournaient parfois le visage ou passaient même sans regarder.

Marie Béland : On a eu trois couches de spectateurs alors que la pièce a été créée pour des gens proches. Je ne m’attendais pas à ce qu’on regarde mon projet de loin, je ne l’ai pas créé pour ces conditions. Or, le public regardait de loin, il aime être voyeur, comme avec la téléréalité. Ma pièce a pourtant été conçue dehors mais je n’avais pas prévu ce regard-là.

Johanna Bienaise : J’ai particulièrement noté aujourd’hui l’espace de distance qui s’établit entre le public et le danseur. Lorsque je m’approche du spectateur, si je conserve une certaine distance, il reste, sinon il part ou se détourne.

Frédérick : Je comprends l’intérêt de voir une pièce de loin dans le parc : ça crée un véritable tableau.

Marilyne St-Sauveur : Ça circulait dans l’espace. Il n’était plus « sacré ».

Maya Ostrowsky : J’ai aimé ces trois couches de spectateurs. Que la personne soit proche ou loin dans le parc, je dansais pour eux et leur présence me nourrissait en tant qu’interprète. J’avais beaucoup de doutes quant à la proposition de Raymond mise en scène dans le parc. D’une certaine façon, elle se dilue mais d’autres choses intéressantes émergent.

Andrew Tay : Le public s’arrête pour regarder le baiser.

Sasha Keinplatz : Le contexte est complètement différent dans la rue et dans le parc. C’est plus romantique devant la fontaine.

Frédérick : Aujourd’hui, j’ai choisi de filmer la danse dans la rue pour cette raison : au milieu des passants, ça marche, en tout cas à l’écran. On sait que des gens vont passer sans s’arrêter. Mais dans nos propositions, est-ce qu’on veut qu’ils s’arrêtent ou non ?

Maya : Ce n’est pas forcément dans l’attention soutenue qu’il se passe quelque chose. Certains passent, d’autres s’arrêtent et parfois même nous suivent.

Marie : En salle, tu n’as pas le choix de voir le projet sous différents angles. En revanche, dehors, la formule est constamment différente : tu peux regarder la pièce en passant, en t’arrêtant ou la revoir à un autre endroit ou dans un angle différent. On va chercher différents types de regards.

Maya : Dans ce parc, j’avais peur de donner une mauvaise image de la danse contemporaine, c’est-à-dire l’idée du « n’importe quoi ». Je me sentais responsable.

Nathalie Dumont : En tant que non-danseuse pour le projet de Katya, je n’ai aucune expérience de scène. Cependant, j’ai trouvé que l’interaction avec les gens était très intense, surtout dans la rue. En revanche, dans le parc, il y avait deux types de « clientèle » : ceux qui sont venus pour l’événement et ceux qui se promènent (le public potentiel) ; mais il y avait également ceux qui n’en ont rien à foutre. Cette catégorie est difficile à gérer pour moi car ce ne sont pas des gens qui iront voir ou parler de danse contemporaine. Dans un autre parc, ça fonctionnerait mieux. J’avais l’impression d’aller convertir des indigènes. J’étais très sceptique car je trouvais ce projet ambitieux et complètement fou. Mais j’ai été agréablement surprise.

Marie : Mettre de la danse contemporaine dans un milieu « hostile » représentait en soi un véritable défi. Certains court-circuitent ce qu’on essaie de construire. Mais en même temps, il se passe des choses impossibles à créer dans une salle de théâtre.

Johanna : Déjà que la danse contemporaine est considérée comme marginale, là, en plus, on dansait près de gens marginaux, ce qui pouvait créer une certaine confusion dans le regard du public..

Vincent : C’est justement ça que je trouve intéressant quand on présente la danse dans la rue : se retrouver face à des gens qui n’y connaissent rien. C’est à nous d’être humbles. On se retrouve face à son art et il faut s’adapter au milieu. On ne peut pas leur demander de partir. C’est pas facile mais c’est possible. On partage leur espace. Ils sont présents mais nous aussi.

Marie : Il y a plusieurs niveaux de relations avec le public : il ne s’agit pas seulement de séduire ou de se confronter.

Vincent : Ça devient parfois une mission sociale.

Frédérick : La question des objectifs est importante. On ne fait pas de la sensibilisation de public. C’est nous qui nous sensibilisons. Notre objectif n’est pas forcément de « convertir » les gens à aller au théâtre. En théâtre, on a l’illusion qu’on est capable de diriger le regard du spectateur. Dehors, on ne contrôle rien. C’est le défi de cet événement : le performer doit tout faire.

Maya : Tout ce qu’on avait c’était notre présence, sans la magie du théâtre, avec ses éclairages et ses costumes. Et c’est peut-être le plus important en danse : notre présence. Ces moments de poésie semés dans le parc et sur le chemin des promeneurs sont importants. D’où les dames qui sont venues nous dire : « merci, ça nous a fait du bien ». Ça manque beaucoup dans la vie : cette poésie.

Johanna : Ces moments de poésie sont magiques et impossibles à rendre au théâtre.

Marie : On ne pourrait pas les chorégraphier.

Maya : Le fait de ne pas avoir la magie du théâtre, je ne me sentais pas obligée d’être parfaite. Je n’avais pas la pression du show en théâtre. Je me sentais l’obligation « d’être là ». À un certain degré, ça m’a libéré. Pour moi, c’était une belle expérience en tant qu’interprète.

Marie : En tant que chorégraphe, c’est la réflexion que j’ai eu : l’œuvre est désacralisée car une chaise roulante passe, il y a une fontaine dans l’espace ou un banc.

Éric : L’instant présent du théâtre est plus important dehors avec tous les impondérables.

Dimanche 3 septembre : Quel impact sur le public ?

Anne Thériault : Pour mon projet, il s’agissait d’une improvisation structurée qu’on a adaptée en fonction du lieu et des gens. Tout au long de la journée, le projet a ainsi évolué. Tout d’abord, l’utilisation du l’espace variait en fonction du lieu. Ensuite, tout dépendait si on incluait le spectateur ou si on gardait une distance.

Julie Châteauvert : Ce qui m’intéressait le plus dans mon projet, c’est quand on disparaissait dans l’espace. À ce titre, la pancarte me gênait. Quand mes interprètes étaient réparties sur des bancs, personne ne pouvait se masser pour regarder. C’était le plus intéressant pour moi afin de faire émerger des images poétiques.

Marie Béland : Aujourd’hui, il y avait plus de projets « invisibles » et les chorégraphes étaient plus impliqués dans leurs projets. Par conséquent, la rencontre avec le public s’est établie autrement que les jours précédents.

Dominique Bouchard : Le projet pouvait se confondre dans l’aspect physique du lieu. Pour apprécier une représentation, doit-on nécessairement immobiliser le spectateur ? Le Carré St-Louis était modifié par notre présence : ça laisse des traces dans le corps du passant.

Marie : C’est le fun d’avoir quelque chose à donner pour différents types de regards : le regard du passant, le regard de celui qui s’arrête ou encore le regard lointain. Le degré d’appréciation s’élargit ainsi bien plus dans le parc que dans le théâtre.

Andrew Tay : C’est le même moment où les gens partent.

Séverine Lombardo : Le fait de ne rien faire fait parfois partir les gens. Or, le projet de Julie comporte des moments d’immobilité. Je me suis posé beaucoup de questions à ce sujet. Pourquoi ai-je envie que les gens s’arrêtent ? Pourquoi est-ce que je veux absolument capter leur attention ? Ces interrogations se posent davantage au niveau de l’interprète que du chorégraphe. Julie, elle adorait que les gens ne s’arrêtent pas forcément.

Élodie Lombardo : On a l’habitude d’être tributaire du regard du public. En salle comme en théâtre de rue, le temps mort signifie que tu perds de l’argent.

Frédérick Gravel : Je voulais maintenir certains moments de silences pour leur valeur mais lorsque quelqu’un vient juste d’arriver, tout change. Quand est-ce que l’on fait des ruptures ? Dehors, plus aucune valeur de temps n’existe car ce n’est jamais le même début, ni la même fin pour chaque passant.

Séverine : Est-ce que l’idée était de mettre la danse dehors ou d’occuper l’espace ?

Marie : Notre but au départ consistait à aller à la rencontre des gens pour leur présenter de la danse contemporaine, d’ouvrir cette discipline et de provoquer la rencontre. L’idée était aussi de se positionner en tant qu’artiste

Frédérick : Les projets d’aujourd’hui n’ont pas été trop dérangés par les impondérables.

Andréa Dugas-Hawkes : Le contexte change notre manière d’appréhender l’espace et donc d’appréhender le regard du spectateur. Ça change toute la dynamique.

Frédérick : Les interprètes avaient beaucoup de décisions à prendre. Encore plus quand ils n’ont « rien » à faire.

Hugo Gravel (musicien) : Il n’y a pas besoin de faire des choses spectaculaires pour capter l’attention.

Élodie : Il faut réfléchir pour s’adapter car la perception que les gens ont du médium de la danse contemporaine, c’est que c’est spécial, étrange. Or, il y a tellement de freaks dans ce parc-là que les gens sont habitués à voir des trucs fuckés au Carré St-Louis et ils ont l’habitude de ne pas s’y arrêter et regarder.

Julie : Des espaces scéniques émergent dans la vie : les gens de la rue font partie du show et sont donc inclus dans la mise en scène.

Stéphanie Bernard : Le fait qu’il y ait eu moins de monde le dimanche m’a permis d’ouvrir mon espace, d’inclure et de m’adresser à des gens qui se situaient plus loin.

Lundi 4 septembre : Nourrir ou détruire le mythe ?

Frédérick Gravel : En organisant un événement dehors pour un public non convié, est-ce qu’on entretient le mythe de la danse contemporaine ou en sortant on le détruit ?

Jonathan Barbe : Sans éclairage ni costume, on apparaît dans le parc comme un happening avec notre pancarte. On brise certes l’inaccessibilité de la danse contemporaine mais le mystère (et sa compréhension) demeure. Il manquait peut-être un kiosque « 2e Porte à Gauche » pour informer les gens sur l’événement et sur les autres productions de l’association.

Marie Béland : Les projets étaient tous très différents. Certains nourrissaient le mythe comme quoi la danse c’est « fucké » et incompréhensible. Mais c’est aussi quelque chose d’important.

Stéphanie Bernard : Les Montréalais sont habitués au format festival avec pancarte, horaire, organisation, etc. Cependant, là, nous n’étions pas aussi formatés, ce qui a permis de leur montrer que la danse, c’est bien quelque chose de « spécial » qui ne correspond pas aux formats traditionnels.

Séverine Lombardo : Le fait d’être discret permettait au spectateur de se promener et de s’arrêter s’il en avait envie. Il n’est pas obligé de s’arrêter pour voir. Nous n’étions pas là pour faire de la publicité pour notre compagnie, ni pour faire tourner le chapeau. En tant qu’interprète, j’avais juste besoin d’être là. C’est la première fois que je n’avais pas d’autre motivation que celle d’être là.

Éric Potvin : Avec Georges-Nicolas, on a essayé différentes approches : être plus accessible, être plus cute, ou proposer quelque chose mis dehors pour interagir avec l’environnement. On ne s’est pas dit qu’on allait détruire le mythe de la danse.

Georges-Nicolas Tremblay : On a peut-être entretenu le mythe de la danse contemporaine pour ceux qui y étaient déjà réticents.

Julie : Moi, j’adore l’ambiguïté ! Me fondre dans le décor naturel et que les gens ne sachent pas forcément ce qu’il se passe.

Isabelle : La meilleure façon de démystifier l’image fuckée de la danse, c’est quand l’artiste va parler aux gens. Il devient alors tout d’un coup quelqu’un qui explique sa démarche. Ça crée une ouverture. C’est de l’éducation populaire. Et le public se rend compte que les danseurs sont des gens comme tout le monde.

Marie-Pierre (une spectatrice) : J’ai pu observer une myriade de réactions dans le public. Mais au bout du compte, il y a eu une interaction avec lui tout au long de la journée. Pour moi, il ne s’agit pas d’une confrontation du type public/danseur, mais d’un espace sans cesse reconfiguré avec tous ces gens. Tous ces niveaux de lecture et de rencontre font partie de la danse contemporaine. Il ne s’agit pas d’une confrontation mais d’une véritable interaction.

Julie : Il y a eu une progression dans mon projet. Hier, il était morcelé : on testait nos affaires. Aujourd’hui, c’est comme si on était dans un seul espace. L’espace de jeu nous englobait et les gens en faisaient partie. Ce qui m’a intéressé le plus ne concerne pas la sensibilisation du public à la danse contemporaine, mais plutôt ces moments de réalité qui nous englobaient.

Élodie : L’objectif était-il de retrouver une scène théâtrale dehors ou de s’infiltrer comme par magie dans la vie quotidienne afin de sensibiliser les gens à ces moments d’effervescence ?

Julie : On a choqué plusieurs fois. Si certaines personnes étaient amusées, d’autres en revanche étaient mécontentes.

Une spectatrice : La danse contemporaine est déjà un art hermétique. Mais là, c’est une performance dehors : non seulement, c’est « bizarre » mais en plus, ce n’est pas dans le noir. Je suis venue voir mes amis danser et j’étais gênée que d’autres gens les regardent ou me regardent les regarder. Quand Stéphanie a pointé le doigt de Jonathan sur moi dans la représentation, alors j’ai eu le sentiment d’avoir le droit d’être là. J’ai trouvé ça intéressant d’être gênée. Ça faisait du bien d’être à l’extérieur et en même temps d’être à l’intérieur de la danse.

 

Synthèse mise en forme par Katya Montaignac, 11/09/2006


Compte rendu de la première édition
L’expérience comme valeur première

Importance de la variété des propositions
Parmi les douze projets présentés durant les quatre jours de l’événement The Art (prononcez dehors), chaque proposition était singulière et chacune engageait à ce titre une rencontre particulière avec le public. Le spectateur a donc croisé non pas une conception de la danse contemporaine mais une pluralité de visions artistiques. C’est d’ailleurs cette variété de points de vue qui caractérise le prisme de la danse contemporaine. L’événement a ainsi permis, nous l’espérons, d’ouvrir non seulement le regard du spectateur sur la danse, mais de confronter également l’artiste à une multiplicité de regards possibles sur son œuvre. Pendant les tables rondes, chaque chorégraphe a pu revenir et réfléchir sur les enjeux et l’impact de sa proposition.

Il nous importait d’organiser ces discussions entre les artistes, puisqu’avec un événement comme celui-ci il est difficile de trouver des critères objectifs de succès : le public n’est pas comptabilisé, aussi il n’a pas à regarder les propositions jusqu’au bout et donner une appréciation, il n’est pas non plus consigné à un espace défini, il peut regarder de loin. Ainsi pour nous la façon de mesurer la réussite de l’entreprise fut de s’assurer que l’expérience soit la plus bénéfique possible pour les artistes. Comme il s’agissait d’un laboratoire d’expérimentation, il convenait d’organiser un temps afin que tous puissent échanger leurs observations.

Une confrontation directe avec le public
La plupart des artistes impliqués a avoué avoir abordé le projet avec une certaine naïveté, avec l’idée que ce qu’ils offraient au public serait forcément regardé avec attention et reconnaissance. Or, dehors, le public n’est résolument pas le même qu’au théâtre où il a acheté un billet pour voir un spectacle et où il est tenu de respecter un code de conduite sous peine de se faire exclure. En effet, dehors, le public n’est pas venu pour voir de la danse, ce qui modifie en profondeur sa relation avec l’œuvre. Il n’est pas plongé dans l’anonymat d’une salle obscure et si la représentation ne lui plaît pas, il peut se lever et partir sans gêner personne. Ou presque… Car son geste peut toutefois contrarier l’artiste qui remet alors souvent aussitôt son travail en question. Dans ce contexte, la rencontre entre l’artiste et le public, et les conditions mêmes de cette rencontre, sont donc radicalement différentes.

La rencontre artiste/public s’est teintée de malentendus ou d’une certaine méfiance non seulement vis-à-vis de l’art contemporain – la danse contemporaine est à ce titre souvent considérée comme « spéciale » –, mais également liée au contexte du Carré St-Louis, particulièrement connu pour ses marginaux. De plus, les promeneurs ont l’habitude d’y croiser des musiciens ou amuseurs public faisant divers numéros et demandant l’aumône, surtout sur la rue Prince-Arthur.

Nous savions que ce genre d’événement n’allait pas de soi dans ce cadre, qu’il allait surprendre les artistes comme le public, mais c’était prémédité. Nous savons que le même événement organisé ailleurs dans la ville sera perçu différemment, de là notre intérêt de le refaire ailleurs, dans d’autres espaces et d’autres contextes.

Se positionner en tant qu’artiste
Avec l’événement The Art (prononcez dehors), on a pu noter une mobilisation importante des chorégraphes de la relève. Aussi, il nous paraît important de nous assurer la présence d’artistes d’expériences diverses lors de notre prochaine édition. Ainsi nous serons certains de représenter davantage la variété des points de vue sur la danse et aussi de mettre toutes les chances de notre côté pour attirer un large public. Ce laboratoire de création et d’échanges peut servir à tous, pas simplement aux jeunes artistes. En effet, plus qu’une opération de sensibilisation, l’événement The Art (prononcez dehors) présente avant tout une démarche artistique. Plus qu’une promotion de la danse contemporaine, il s’agit d’engager une véritable réflexion sur le médium et sur son impact public.

Les tables rondes que nous avons tenues ont permis aux chorégraphes de réfléchir sur leur positionnement en tant qu’artiste face au public, en d’autres mots, sur ce qu’ils veulent susciter chez le spectateur dans cet espace publique singulier. Ainsi, par exemple, les performeurs ont pu réfléchir sur leur désir de capter l’attention du spectateur à tout prix, sur le temps changeant d’une proposition qui n’est pas nécessairement regardée du début à la fin. Ils ont enfin pu juger de leur travail avec des critères propres à ce genre d’expérience, plutôt que de ramener le tout à une comparaison entre l’expérience dehors et celle de la salle de spectacle.

Bilan organisationnel
Même si nous disposions de fonds très limités nous sommes arrivés à remplir une ambitieuse grille de programmation. En effet, six heures de programmation par jour, sur douze emplacements différents et ce pendant quatre jours, c’était un gros défi. Si l’expérience fut positive, c’est que nous l’avons conçue comme un laboratoire d’exploration, un premier essai à faire avec tout le sérieux possible, pour nous comme pour nos collaborateurs. Tous se sont impliqués à fond et ont joué le jeu, voyant toute l’importance qu’il y a à ce que ce genre de plateforme de rencontre et d’exploration avec le public existe. Le côté informel et ludique de se produire dans l’espace public a d’ailleurs imposé aux artistes de clarifier leur propos.

The Art (prononcez dehors) constitue une importante prise de risque artistique : tout événement faisant appel à un grand nombre de collaborateurs demande en effet une organisation serrée, une machine bien huilée. L’expérience que nous a donné le projet Vitrines en février 2005, projet qui faisait appel à plus de soixante participants, nous a sans aucun doute aidé à faire de l’événement The Art (prononcez dehors) un succès au niveau de l’organisation. En nous greffant à la Place des Arts, nous savons déjà qu’il sera moins lourd de faire la publicité et les communications, même si au niveau de la couverture de presse, The Art (prononcez dehors) a été un grand succès. Ce succès s’explique sans doute par le caractère inédit de l’événement dans le monde de la danse contemporaine à Montréal.

Des partenaires financiers plus nombreux et plus importants nous permettraient de recruter plus facilement les artistes qui pourraient alors assumer avec ces fonds leurs frais de création pour participer à cet événement. Une aide à la création ne peut qu’améliorer la qualité des propositions présentées dans un cadre de production et de diffusion si particulier.

Les 6000 dollars de subventions reçus de la ville de Montréal en 2006 nous ont permis de produire l’événement dans des conditions minimales. Sans cette aide, il ne nous serait pas possible de le faire en assurant la sécurité des performeurs ainsi qu’un minimum de visibilité. Nous croyons que nous avons su tirer le maximum de l’argent que nous avons reçu et nous savons que nous ne pouvons que faire mieux avec plus. Cette première expérience nous a convaincu de l’importance de ce genre d’initiative de production, qui conjugue la médiation avec le public, la recherche artistique et la prise de risque en même temps que la rencontre et l’échange entre les artistes participants.

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